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Type de textesource
TitreDen grondt der edel vry schilder-const
AuteursVan Mander, Karel
Date de rédaction
Date de publication originale1604
Titre traduitPrincipe et fondement de l’art noble de la peinture
Auteurs de la traductionNoldus, Jan Willem
Date de traduction2009
Date d'édition moderne ou de réédition
Editeur moderne
Date de reprintParis, Les Belles Lettres

, p. 145

§24. Apelle, le principal peintre des anciens [[2:On était très appliqué, autrefois, lorsqu’on peignait des Chevaux, car des Prix étaient proposés]]

Et quelques autres peintres de son temps

Ont organisé ensemble un concours dans cette matière.

Mais Apelle, craignant que les hommes n’émettent, par jalousie, un mauvais jugement sur lui,

Et ne se prononcent qu’avec partialité

Pour l’autre côté, au bénéfice de ses concurrents, 

Souhaita plutôt recevoir le verdict des bêtes.

§25. Il fit donc conduire de vrais chevaux [[2:Apelle préféra le verdict des bêtes.]]

Vers les coursiers que la partie adverse avait peints.

Mais y avait-il un défaut ? En tout cas, tels des bœufs muselés, 

Ils passèrent sans faire de bruit.

Mais quand ils aperçurent l’œuvre d’Apelle, [[2:Les chevaux s’ébrouent contre les chevaux peints]]

Ils commencèrent à s’ébrouer et à s’agiter.

Un tel verdict, provenant de bêtes forcément sincères,

A été plus souvent sollicité après.

§26. Ce concours de nos prédécesseurs [[2:Exemples de très beaux chevaux antiques à Venise et à Rome.]]

Nous fait remarquer avec quel sérieux ils examinaient les œuvres d’art.

En témoignent aussi les œuvres qui subsistent : 

Par exemple à Venise, au-dessus du porche de l’église,

Il y a quatre chevaux en bronze d’une beauté exceptionnelle ;

Et à Rome, sur le Capitole, on peut admirer

Un cheval en bronze plus beau que nature

Auquel ne manque que la vie, mais pas l’art.

§27. Il y a aussi les chevaux de Monte Cavallo

De la main de Praxitèle et Phidias.

De tous ces exemples, on peut tirer,

Pour ne pas errer dans la connaissance de la beauté,

Un bon modèle et une compréhension correcte. 

En effet, nulle part dans le monde, dans aucun pays,

Je ne connais rien qui puisse nous donner aussi bien

La connaissance du plus beau et du meilleur de la vie.

, p. 20

Que le prince des peintres, Apelle, était courtois [[2:Exemple de la politesse d’Apelle]]

Et poli, cela est indéniable

Puisqu’il a amené petit à petit Alexandre

A venir tous les jours le voir travailler.

Dogne de mention aussi, sa politesse

Envers Protogénès dont le prestige à Rhodes

Fut totalement son œuvre.

, Préface, p. 2

Il faut aussi constater combien de beaux et magnifiques trophées ornent notre Pictura. Ici, nous voyons déjà comment le sceptre royal d’Alexandre le Grand, symbole de sa puissance dans le monde, était uni aux pinceaux d’Apelle et attaché avec eux.

, p. 2

Mais voilà : il y a aussi[[5:parmi les « trophées » de la peinture.]] le fait surprenant qu’une toile presque vierge sur laquelle un Apelle ou un Protogène ont juste tiré quelques lignes est plus appréciée que toutes les pièces somptueuses du Palais de César.

, p. 85-86

Aristide de Thèbes a exprimé ces sujets [[2:Aristide est le premier à avoir représenté les Affects.]]

(qui s’appellent Èthè chez les Grecs)

Pour la première fois en peinture.

En cherchant à cueillir dans le jardin des arts

De belles fleurs nouvelles, d’un parfum agréable.

Parler de sa « Femme blessée » et de son « Malade »

Qui ont beaucoup contribué à sa célébrité

Sera très utile à notre propos.

§ 67. Celui-ci avait aussi représenté les tourments extrêmes de l’esprit

En peignant une prise d’une ville par l’ennemi.

Un petit enfant, dans son innocence,

Fouillait avec force dans la plaie que sa mère

Avait reçue au sein qui allaitait.

On y voyait de façon très naturelle qu’elle reculait

Comme si elle ressentait encore une intense douleur ;

Pourtant, elle était, impuissante, entre la vie et la mort.

§ 68. L’âme de cette femme semblait en proie

A la peur et au souci que son enfant, en trouvant à téter,

Pût boire en même temps son sang et le lait figé.

Tout cela rendait (selon l’avis général)

Ce tableau ingénieux si célèbre

Qu’Alexandre le Grand, pour le nommer,

Parce qu’il lui plaisait tant, l’a fait transporter

Dans sa ville natale de Pella.

§ 69. Cette face aurait pu avoir

Une bouche ouverte d’un côté,

Comme nous l’avons décrit pour le visage triste ou souffrant ;

Sur le front, les rides en bataille,

Et les sourcils froncés de manière asymétrique,

La carnation rendue livide par la présence de la mort,

Du pourpre pâle sur les lèvres et les joues

Et un regard fixe et triste sur l’enfant.

, p. 139

§1. Ce n’est pas le moindre de mes soucis [[2: Peindre des animaux selon la bienséance est très important]]

que de bien représenter différents animaux :

nous ne devons pas rester trop longtemps

sur d’autres sujets sans essayer

de voir si nous ne pouvons pas tout de suite

faire advenir cette partie peu pratiquée de la peinture,

afin de ne pas être comme Dionysios, dont seules les Figures humaines

correspondaient à ses intentions.

§2. C’est pourquoi on l’a appelé Anthropographe [[2:Qu’il faut chercher à être universel.]]

(c’est-à-dire « peintre d’Hommes »).

En effet, même si on est capable de représenter

convenablement  les parties du corps humain,

et que l’on se croit très extraordinaire,

il est plus louable d’être familier de tout.

Donc, pour être un Peintre véritable,

il faut être versé dans tous les genres.

, p. 136-137

§43. Il convient ici de parler de Ludius [[2:L’exemple de Ludius.]] [[1:Pline, Livre XXXV, ch. 10. Lisez sa vie]]

Qui vivait à l’époque de l’Empereur Auguste,

Et qui, le premier, a trouvé comment peindre selon les règles de l’art

Sur des murs, à l’intérieur ou à l’extérieur :

Fermes, métairies, vignobles et allées,

Ou forêts denses et hautes collines,

Des étangs, ruisseaux, fleuves, ports et des plages.

Tout ce qu’on voulait, ses mains habiles le faisaient.

§44 Ici, il mettait quelques personnages [[2:Exemple pour décorer les Paysages avec des Figures]]

Qui pour se divertir flânaient ou se promenaient ;

D’autres, pour passer le temps,

Se distrayaient joyeusement sur l’eau.

Au sec, dans les paysages, il posait des charrettes chargées

Et plaçait des ânes dans les champs et les sentiers,

A côté des maisons et fermes des paysans ;

Il y ajoutait d’autres aspects du travail agricole.

§45. Parfois, il mettait des figures en train de pêcher,

Avec des cannes à pêche et de l’appât trompeur ;

D’autres, en oiselant, assouvissaient leurs désirs,

Ou, en chassant des lièvres rapides, des cerfs et des sangliers ;

Oui, il y en avait aussi qui cueillaient des raisins.

Introduire de telles choses dans ses paysages,

Avec audace et fermeté, satisfaisait son envie.

Un esprit artistique invente des merveilles.

§46. L’œuvre qui était la plus admirée [[2:Belle invention de Chemins boueux, où des gens glissent et tombent]]

Par ceux de son temps

Etait celle dans laquelle il avait peint en particulier

Dans un vallon marécageux quelques fermes,

A côté desquelles les chemins étaient boueux,

Difficiles à traverser sans glisser.

C’était représenté de façon très claire ;

Ludius y avait peint aussi des femmes qui glissaient et tombaient.

§47. Il avait représenté quelques personnes avançant avec précaution,

Tremblant par crainte d’une chute,

Et d’autres, courbées et penchées,

Comme si elles étaient en train de se charger

D’un poids très lourd. Oui, pour être bref,

Il savait semer partout dans ses œuvres

Dix mille choses amusantes.

Je vous en laisse imaginer autant.

FIN DU PAYSAGE.

(ch. IX), p. 150-151

§.42. Comment pourrais-je, ô Myron, [[2:Exemple de la jeune Vache ou Génisse en bronze de Myron.]]

Abandonner dans l’obscurité votre génisse de bronze ?

Des poètes grecs vous ont loué dans beaucoup d’épigrammes,

Parce qu’elle était, plus que d’autres,

Faite avec tant d’art qu’elle semblait vivante.

La première d’une douzaine d’épigrammes sonne ainsi : [[2:Des Épigrammes des Anciens, en éloge de cette Génisse. Première Épigramme.]]

« Pasteurs, menez donc vos vaches ailleurs,

Pour que celle-ci n’aille point à l’étable avec les vôtres. »

§43. « Je ne suis pas une statue de vache, mais Myron m’a mise [[2:Deuxième Épigramme.]]

Sur ce socle, de dépit et de chagrin,

Parce que je broutais l’herbe dans son champ. »

« Je suis, moi, la vache du vacher Myron. [[2:Troisième Épigramme]]

Et non une statue inventée.

Piquez-moi donc les flancs, et menez-moi à la charrue. »

« Pourquoi m’obliges-tu, Myron, à rester ici ? [[2:Quatrième Épigramme]]

Quand me détacheras-tu pour me mener à l’étable ? »

§44. « Le veau doit mugir, et le taureau m’aimer [[2:Cinquième Épigramme]]

En me voyant ; et le garçon qui garde le bétail

Me mènera paître dans les prés verts. »

« Même si Myron m’a faite de bronze et m’a mise ici, [[2:Sixième Épigramme]]

Je beuglerais, je mugirais comme un taureau,

Si seulement il m’avait donné une langue. »

« Une guêpe s’était trompée en voyant cette vache : [[2:Septième Épigramme]]

Je n’ai – disait-elle – jamais piqué une peau de vache plus dure. »

§45. « Ici, Myron me tient, et les pasteurs [[2:Huitième Épigramme]]

Me poussent et me battent, car ils croient que,

Par amour pour un taureau, je suis restée sur place. »

« Pourquoi viens-tu chercher mes mamelles, ô Veau ? [[2:Neuvième Épigramme]]

L’art n’a pas donné de lait à mes pis. »

« Pourquoi me tiens-tu prisonnière sur ce piédestal de pierre, Myron ? [[2:Dixième Épigramme]]

Tu aurais pu me mettre sous le joug ;

Ainsi, j’aurais tiré la charrue sur tes champs. »

§46. « Tant qu’on ne touche pas mon dos des mains, [[2:Onzième Épigramme]]

On peut me regarder à volonté, de près et de loin,

Mais on ne m’accusera jamais

D’être faite de bronze dur. »

« Si Myron ne détache pas vite mes pieds de ce socle, [[2:Douzième Épigramme]]

Je ne pourrai pas plus longtemps échapper à la mort ;

Mais s’il veut bien me libérer,

Je marcherai, comme les autres vaches, au milieu des fleurs. »

(ch. V, § 69-70), p. 79

§69. Néalcès, l’un des Anciens célèbres [[1:Remarquez cet exemple d’inventivité dans la représentation d’un Fleuve ou d’un lieu]]

Etait expert dans l’invention artistique,

Comme il le montra par son pinceau

Lorsqu’il fit une bataille navale,

Dans laquelle les Perses se battaient contre les Égyptiens

Sur le fleuve du Nil.

Il peina pendant un an en vain

Pour représenter le Nil par son eau.

§ 70 C’était impossible, pour la bonne raison

Que l’eau du Nil et celle de la mer se ressemblent.

Alors, il peignit un crocodile

Paraissant, sournois, guetter un âne,

Qui en arrivant près du rivage

Mettait son museau dans l’eau.

Sa tête était baissée de telle façon

Qu’il semblait boire dans le fleuve.

§. 71. Il fit cela pour que chacun

Devine facilement que cette rencontre guerrière

Avait lieu sur le fleuve Nil :

C’est le lieu des crocodiles

Et la nourriture qu’ils affectionnent en particulier.

De tels indices naturels

Aussi bien de personnes, de villes que de fleuves

Donnent une grande valeur à nos œuvres.

, Préface, p. 1

La noble peinture, cet art très divertissant qui engendre l’intelligence, de par sa nature nourrice de tous les arts et sciences vertueux (comme les savants lettrés le savent bien), a toujours été honorée et appréciée de la plupart des grands seigneurs et érudits. Oui, les sages Grecs, dans l’Antiquité, la tenaient tellement en estime qu’à l’époque du peintre ingénieux Pamphile ils la considéraient digne d’honneur, au même titre que les autres arts libéraux.

(ch. I, §31), p. 19

La passion des Grecs et des Romains [[2:Lisez sur ce sujet la vie de Pamphile, le Peintre macédonien. Plutarque dit aussi que Paul Émile apprenait à ses fils, parmi d’autres art nobles, la sculpture et la peinture]]

Pour la peinture s’élevait à une telle ardeur

Qu’ils interdisaient sous de lourdes peines

D’apprendre l’art de la peinture à d’autres

Qu’à des enfants de noble extraction.

Pour cette raison, il convient bien, à présent, en l’honneur de l’Art,

Que la vertu et la politesse les accompagnent,

Ceux qui, au noble pinceau, se consacrent.

(ch. V, § 86), fol. 22v

Men mach oock uytbeelden Steden en Landen,

Ghelijck Parasius dede voor henen, [[1:Pet. Mess. lib. 2. cap. 16]]

Die heeft gheschildert met gheleerde handen

T’Athenische Beeldt, daer sulcke verstanden 

Van cloecker uytbeeldinghen in verschenen,

Datmen daer in sach van die van Athenen,

Manieren, Conditien alder weghen,

Hun zeden aerdt, en ghewoonelijck pleghen

Dans :Parrhasios, Le Peuple d’Athènes(Lien)

(ch. IX, § 18-23), fol. 39v-40r

§18. Seer verleghen vondt hem eens een bysonder [[2:Exempel van een Schilder, die t’schuym by gheval maeckte]]

Schilder, nae grooten Valery beschrijven,

Die hadd’ een Peerdt gemaeckt seer schoon te wonder,

Welck quam uyt den arbeydt, en als hy onder

Ander dinghen wouw, tot zijns Consts beclijven,

Maken dat schuym te mondt uyt quame drijven,

Desen constighen werckman heeft al langhen

Vergheefschen tijdt en moeyt daer aen ghehanghen.

§19. Zijn constich werck en cond’ hy niet ghebrenghen

Ten eynde, noch comen tot zijn vermeten,

Hoe dat hy proefde, dus met soo gheringhen,

Onweerdighen, oft ongheachten dinghen

Wesende ghequelt, het heeft hem ghespeten,

En heeft om verderven daer op ghesmeten

De sponsy, daer hy zijn verwen me vaeghde,

En de sake gheviel soo’t hem behaeghde.

§20. Want de spattingh der sponsy is ghebleven

Aen zijn Peerdts mondt hanghend’, uyt quaden spele,

Ghelijck natuerlijck schuym, dus is becleven

Zijn voorneem en werck, t’gheluck toegheschreven,

En niet zijn Conste, maer t’is even vele:

In summa, men bevindt met wat een zele

En yver sy van oudts, soo sy best mochten,

All’ eyghenschappen uyt te beelden sochten. [[2:Exempel van Peerdenschuym, in de Bataille Constantini in Belvidere.]]

§21. Te Room oock in de sale Constantini,

Daer is dat schuymen uytghebeeldt ten rechten.

Protogenes, nae’t ghetuyghenis Pliny,

Conde niet ghemaken nae zijn opiny

T’schuym aen eenen Hondt, en gingh om soo slechten

Ondoenlijck dinghen oock zijn werck bevechten [[2:Exempel van t’Hondeschuym]]

Metter sponsy, ghelijck gheseyt is boven,

Doe stond’t oock soo wel, dat yeder most loven.

§22. Want eerst en stonde dit schuym niet natuerlijck,

Seyt Plinius, maer te seer afghescheyden

Van’t oprecht in’t leven, maer scheen figuerlijck

Gheschildert met vlijt, t’welck hy wilde puerlijck

Wt den mondt doen vloeyen met veel arbeyden.

Nealcas deed’ oock eenen Ionghen leyden, [[2:Noch van schuym Exempel.]]

Oft houden een Peerdt, en troetelen mede,

Daer zijn sponsy oock dus mirakel dede.

§23.  Dus moghen wy oock, alst past, op het schuymen

Der peerden letten, met neerstich volheerden,

Hoe een dinghen ghemaeckt is, t’zy met duymen,

Met sponsy, oft anders buyten costuymen,

T’is al goet wat wel staet, ick houdt in weerden: [[2:T’is al goet, wat wel staet.]]

maer wat grooter vlijt men voormaels wel Peerden

Te schilderen dede, canmen versinnen,

Nadiender oock Prijs mede was te winnen.

Dans :Protogène, L’Ialysos (la bave du chien faite par hasard)(Lien)

, p. 143-144

§18. Un excellent peintre se trouva un jour [[2:Exemple d\'un peintre qui faisait l\'écume par hasard]]

Très gêné, selon la description de Valère Maxime

Il avait fait un cheval merveilleusement beau

Qui rentrait du travail. Quand il voulut, pour affirmer son art,

Représenter entre autres comment l’écume sortait de la bouche,

Cet artiste habile dépensa en vain

Beaucoup de temps et de peine.

§19. Il ne put pas achever son œuvre d’art,

Ni, quoi qu’il fît, arriver à ses fins.

Alors, se rendant compte

Qu’il se torturait lui-même avec des choses aussi dérisoires,

Indignes et insignifiantes, il fut pris de chagrin

Et, pour détruire son œuvre, jeta

L’éponge avec laquelle il essuyait la peinture.

Mais le résultat fut tel qu’il en était très content.

§20. En effet, après ce mauvais geste,

L’éclaboussure de l’éponge était restée sur la bouche du cheval,

Comme si c’était de l’écume réelle.

Ainsi, son idée se réalisa dans son travail,

Même si le résultat était dû au hasard,

Et non à l’art : c’était le même.

Bref, on constate avec quel zèle et quelle diligence

On cherchait jadis à représenter le mieux possible tous les détails.

§21. À Rome, dans la salle de Constantin, [[2: Exemple d’écume de Cheval, dans la Bataille de Constantin au Belvédère. Exemple d’écume de Chien]]

L’écume est représentée avec justesse.

Protogénès ne parvenait pas

Selon le témoignage de Pline,

A faire à son idée l’écume d’un chien.

Alors, pour faire cette chose si simple et pourtant si difficile,

Il s’attaqua lui aussi à son œuvre avec une éponge :

Le résultat fut tel qu’il méritait l’éloge de tous.

§ 22. Juste avant, cependant, selon Pline, l’écume n’était pas naturelle, [[2: Un autre exemple d’écume]]

Mais trop différente de la vraie réalité.

Pourtant, on voyait que c’était peint avec application,

Car l’artiste voulait, à grand-peine,

Faire couler l’écume de la gueule, comme dans la vie.

Néalcès représenta un garçon

Qui tenait ou conduisait un cheval, en le caressant.

Ici aussi, son éponge fit des miracles.

§ 23. Ainsi, nous pouvons être attentifs, si c’est opportun, <>

A l’écume des chevaux, avec une persévérance assidue.

Peu importe comment une chose est faite,

Que ce soit avec les pouces, une éponge ou d’une autre manière, aussi inhabituelle soit-elle :

Tout ce qui se présente bien est bien. Je l’apprécie.

(VI, §39-43), fol. 26r

maer Demon Athener met zijn colueren, [[2:Demon was constich in uytbeelden der affecten, leest in zijn leven.]]

Een excellent Schilder te zijnen daghen, 

T’scheen zijn Beelden onderscheydelijck saghen,

Onstadich, gram, boos, goedertieren, sachtich,

Bevreest, stoutmoedich, ootmoedich, en prachtich. 

§40. Iae verscheyden affecten socht hy tsamen

Oock te begrijpen in een Beeldt alleenich: [[2:Ooc Timanthes in\'t uytbeelden des voorgenomen offers van Iphigenia, leest oock zijn leven.]]

Timanthes uyt Sypren quam oock ter famen,

Hebbende gheschildert, wel nae t’betamen, 

De groote droefheyt en t’jammer beweenich,

Daer men sach ghestelt voor den Altaer steenich

Iphigenia de maeght, die sy dachten

Onnooselijck t’eenen offer te slachten.

§41. Om de gramme Diana te paysieren,

En de rasende Zee-tempeesten slissen, 

Daer bewesen die t’werck souden bestieren,

Oock den omstandt melijdighe manieren,

Calcas ghelaet sachmen vol droeffenissen,

maer noch al seerder bejammert Vlissen 

Den Oom, hertelijck verschrickt zijnde van de

Grouwelijcke moordadigh’ offerhande.

§42. Als nu den Schilder alle droeve gesten, 

Handen wringhen, weenen en suchten clachtich,

Hadt in alle dese ghebruyckt ten besten,

Heeft boven al uytnemende ten lesten

Agamemnon den Vader alsoo crachtich

Gheschildert mistroost, van herten onmachtich, 

Dat hy niet en mocht met aensienden ooghen 

Den wreeden dootslach aen zijn Kindt ghedooghn.

§43. Dit bracht hy door deckinghe des ghesichten

Te weghe, met cleyderen, oft met handen,

Op dit constighe stuck heeftmen gaen stichten

Diveersche veersen, en Poeetsche dichten,

Tot een heerlijck gherucht in verre Landen,

Altijts eenighe verborghen verstanden

Heeftmen in zijn wercken bespueren connen,

Colotes en Demon heeft hy verwonnen.

Dans :Timanthe, Le Sacrifice d’Iphigénie et Le Cyclope (Lien)

, p. 95-96

En ce qui concerne Démon d’Athènes, [[2:Démon était très habile dans la représentation des Affects. Lisez sa vie.]]

un Peintre qui excellait dans son temps par ses couleurs,

il semble que ses figures exprimaient respectivement

l’inconstance, la colère, la méchanceté, la bienveillance, la douceur,

la peur, l’audace, l’humilité et l’ostentation.

§40. Oui, il cherchait à combiner différents affects dans une seule Figure. [[2: Timanthe aussi, dans la représentation du sacrifice prévu d’Iphigénie. Lisez sa vie aussi.]]

Timanthe de Chypre est devenu célèbre

après avoir peint selon les convention

la grande tristesse, l’état lamentable et déplorable

dans lesquels on vit, devant l’autel de pierre,

la Vierge Iphigénie, prête à être immolée,

victime innocente du sacrifice

§41. destiné à apaiser Diane courroucée,

et calmer les furieuses tempêtes marines.

Ceux qui devaient accomplir la besogne

ainsi que l’assistance faisait montre de pitié ;

le visage de Calchas était pleine de tristesse

mais l’oncle Ulysse se lamentait davantage encore,

profondément bouleversé

par cette atroce offrande qui l’horrifiait.

§42. Lorsque le peintre eut utilisé au mieux

toutes les expressions de la tristesse,

se tordre les mains, pleurer et gémir plaintivement,

il peignit enfin, se distinguant de tous,

le père, Agamemnon, si désolé, d’un cœur si défaillant

qu’il ne pouvait à la fois autoriser et regarder

le meurtre cruel de son enfant.

§43. Il accomplit ceci en couvrant le visage

de voiles ou de mains.

Sur cette œuvre ingénieuse,

on a écrit plusieurs poèmes et textes poétiques

contribuant à sa grande renommée en des pays lointains.

On a toujours pu trouver

dans ses œuvres quelque sens caché :

il a éclipsé Colotès et Démon.

, p. 76-77

§58. Mais quoi qu’il y eût à voir et à interpréter,

tout témoignait de la perspicacité, la grâce et la bienséance,

de l’application pleine de génie de ce Peintre intelligent

par les soins de qui Junon et Minerve

exceptionnellement belles, avaient été peintes,

chacune manifestant une telle perfection

qu’il n’aurait jamais pu espérer faire mieux.

§59. Puisqu’il ne pouvait pas, comme il faudrait, [[2:Faites ici attention à cette invention intéressante, reprise d’un élément de la vie de Timanthe. Elle suggère au spectateur que, si on pouvait voir Vénus de face, elle serait la plus belle de toutes, comme Agamemnon, la tête voilée, donnait l’impression d’être le plus triste.]]

rendre Vénus plus belle que les deux autres,

il a, tandis que celles-ci se présentaient de face,

profitant avec subtilité de ce qui est possible, dans les limites du convenable,

peint Vénus nous tournant le dos.

En artiste ingénieux, avec malice, il a suggéré la délectation en impliquant que, si elle se retournait, elle pourrait flétrir la beauté des autres.